Gibier de potence - Rue des trois Piliers à Saint-Servais

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"La pluie nous a débués et lavés
Et le soleil desséchés et noircis
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés
Et arraché la barbe et les sourcils"

On n'insistera jamais assez sur le fait que, davantage qu'un amusement inoffensif pour intellectuels désœuvrés, l'étude des toponymes anciens peut constituer une véritable passerelle vers le passé et un outil privilégié pour aborder l'évolution d'un terroir ou d'un paysage. Prenons un exemple : la rue des Trois Piliers à Saint-Servais. N'étaient son appellation, qu'on lui a heureusement laissée, et son tracé particulièrement pentu, elle ne se distinguerait guère de ses paisibles voisines.

Or cette appellation est rien moins qu'anodine puisque là se dressèrent jusqu'à la fin du 18ème siècle les fourches patibulaires de Namur (du latin patibulum: gibet), c'est-à-dire la potence où les cadavres des condamnés à mort étaient exposés publiquement, jusqu'à complète consommation (c'est-à-dire décomposition) comme le précisent les documents d'époque. Les exécutions capitales avaient normalement lieu sur la Grand' Place de Namur, devant l'hôtel de Ville, mais certaines se déroulèrent ici.

On ignore quand ce sinistre dispositif fut installé à cet endroit, mais c'était chose faite en 1604. Sa plus ancienne représentation connue, qui date de cette année-là, nous les montre effectivement sous la forme de trois piliers verticaux supportant une traverse horizontale à laquelle étaient pendus les corps des suppliciés.

Plus important pour notre propos, le choix de l'emplacement n'était pas gratuit: il est même révélateur de certains aspects essentiels de la topographie ancienne de Saint-Servais.
En effet, cette macabre exposition, véritable mise en scène de la mort et du châtiment, avait la dissuasion pour objectif avoué. En conséquence, on cherchait à installer les gibets sur des hauteurs, à proximité d'endroits passants et fréquentés, mais à l'écart des habitations, pour des raisons évidentes d'hygiène. Or l'endroit répondait remarquablement bien à ces exigences : en 1784, Saint-Servais ne comptait encore que 326 habitants regroupés pour l'essentiel autour de l'ancienne église Sainte-Croix, qui se trouvait à l'embranchement des actuelles chaussée de Waterloo et route de Gembloux, ainsi que le long du Houyoux, qui alimentait de nombreux moulins. On y trouvait aussi une grosse ferme isolée, la ferme de Bricgniot, qui existe toujours. Le reste de son territoire était constitué de cultures, de pâturages et de bois, qui furent traversés dès le moyen âge par le grand chemin de Namur à Gembloux. Or, la rue des Trois Piliers, un tronçon de la rue du Beau Vallon, puis celle de Bricgniot en reprennent précisément le tracé jusqu'à l'Institut du Beau Vallon. Au-delà de celui-ci et du ruisseau de Morivaux, on peut encore le suivre sur les cartes d'état-major jusqu'à Rhisnes et Bovesse. Le sommet de la butte à laquelle aboutit notre rue était donc un emplacement idéal pour l'effet recherché.

Ce chemin fut remplacé dans le courant du 17ème siècle par une nouvelle chaussée pavée gagnant Bruxelles par Nivelles : l'actuelle chaussée de Waterloo. La route de Gembloux, qui serpente dans la vallée du Houyoux, est encore plus récente puisqu'elle ne fut commencée qu'en 1842. L'urbanisation de la commune pouvait se mettre en place.

Jean-Louis ANTOINE

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