Marche : entre le fer et la roche : Où sont les dames?

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Marche-les-Dames est aujourd'hui surtout connu par le tragique accident d'alpinisme qui coûta la vie au roi Albert en 1934. Ce dramatique événement a eu comme conséquence collatérale d'oblitérer l'histoire fort ancienne, riche et diversifiée, dont le village peut se targuer et dont je vais essayer de dégager ici à grands traits les principales lignes de force.

Au voyageur qui parcourt la vallée de la Meuse, Marche-les-Dames apparaît comme une impressionnante muraille de pierre grise, brisée seulement par la verte et profonde échancrure d'une vallée secondaire, celle du gros ruisseau de la Gelbressée, du nom d'un des villages qu'il traverse en aval. On s'est interrogé sur l'ancienneté de cette appellation : en effet, son cours est jalonné de localités aux noms indéniablement apparentés : Marchovelette, anciennement Marche-le-Scovelette, aux confins duquel il prend naissance, puis la grosse ferme de Maquelette, anciennement Markelette, enfin Marche-les-Dames lui-même qui s'est appelé Marche-sur-Meuse jusqu'au 19ème siècle.

Dans sa monumentale Toponymie namuroise publiée en 1899, le chanoine Roland en a déduit que le dénominateur commun entre ces différents endroits étant le ruisseau qui les relie, celui-ci aurait pu, dans un premier temps, s'appeler la Marche et leur laisser son nom.  Marche serait issu du germanique marca lequel signifierait « limite, frontière ». Poursuivant sa réflexion, Roland avance prudemment que le ruisseau en question aurait pu matérialiser la frontière entre deux circonscriptions administratives carolingiennes, le pagus Namucensis (pagus de Namur) et le pagus Hasbaniensis (pagus de Hesbaye) : c'est encore l'explication la plus communément acceptée aujourd'hui, même si elle est loin d'être assurée. En français, le mot marche a d'ailleurs toujours le sens de « région frontalière » et sous les carolingiens, un marquis était un fonctionnaire chargé d'administrer une marche. Ainsi le premier comte de Namur, Bérenger, aurait été apparenté à Evrard, marquis de Frioul, aux confins de l'Italie et de la Slovénie. Voyez où tout cela nous entraîne...Si non e vero...

A Marche-les-Dames, la nature est omniprésente. A première vue mal commode, voire inhospitalière et peu propice à l'installation humaine par certains aspects : ceux-ci ont, au contraire, favorisé certains types d'occupation et d'activité, et cela depuis fort longtemps.
Les nombreuses grottes qui creusent la falaise rocheuse bordant la Meuse offrent en effet autant de possibilités de refuge, et elles font de Marche-les-Dames un village riche en sites préhistoriques, parfois très anciens. Ainsi, la grotte du Prince a livré un outillage osseux (sagaies, poinçons, pendeloques...) de type aurignacien évolué datant de quelque 30.000 ans avant notre ère, c'est-à-dire presque autant que la célébrissime grotte de Spy ! La collecte des microtoponymes y réserve de plaisantes surprises : citons la grotte de l'ouil qui brait, c'est-à-dire de l'œil qui pleure... Le plateau lui-même semble avoir été précocement fortifié. Nature refuge donc, nature protectrice d'abord.

Nature refuge toujours, d'une certaine manière, au Moyen Âge, lorsque quelques femmes pieuses s'y regroupent. Plus personne n'accrédite aujourd'hui le récit voulant voir dans les premières moniales les épouses et les filles de croisés partis pour la conquête de Jérusalem en 1099. En réalité, on n'a de traces de la communauté que vers le milieu du 13ème siècle et il semble qu'elle eut un certain mal à se faire reconnaître et affilier par les autorités de Cîteaux ! Le monastère de Marche se situe bien dans la mouvance de la grande vague de fondations féminines entamée à la fin du 12ème siècle. L'endroit n'est sans doute pas alors le « désert » prôné par la spiritualité cistercienne, mais on y est hors de la ville, de son agitation et de ses tentations, assez près cependant pour pouvoir rapidement s'y abriter en cas de troubles. Comme beaucoup d'autres monastères, Marche acquiert, sans doute assez vite, un refuge à Namur, en la rue des Brasseurs. En 1659, cette maison sera décrite, de manière évocatrice, comme rompue de vieillesse. C'est à l'abbaye, bien sûr, que renvoie le nom actuel du village.

Mais la nature peut être aussi une puissante auxiliaire : les entrepreneurs du Moyen Âge ont trouvé à Marche tous les ingrédients nécessaires à la métallurgie : gisements de matières premières, fer et plomb, à proximité (Berwimont à Boninne, Gelbressée), force motrice du cours d'eau pour actionner les marteaux et les soufflets des forges, abondance de combustible pour alimenter celles-ci. En 1345, le comte Guillaume Ier délivre une charte de privilèges destinée sans doute à attirer des ouvriers dans les 7 forges qu'il possède à Marche. La charte des « férons » de Marche est devenue justement célèbre car c'est une des plus anciennes de ce type connue en Europe occidentale. La vallée devient alors un centre très actif de la métallurgie du fer et du plomb qui résistera, avec des hauts et des bas, jusqu'au 19ème siècle.

Jean-Louis Antoine

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