« Promenons-nous dans les bois, tant que le loup n’y est pas »… - Les forêts du Namurois

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Namur séduit pour une bonne part grâce à sa couronne boisée, visible de partout, où le bâti et la nature s'interpénètrent. Le petit mémento intitulé "Namur en chiffres" qui a été édité par la Ville en 2000 répertorie en zone forestière 31 % des 176 km2 de la superficie de la commune actuelle, soit un peu moins du tiers de la superficie totale.

Refuge ou ressource, sacrée ou hostile, la forêt a joué pour les populations, depuis toujours et ici comme ailleurs, des rôles multiples, économiques notamment, dont témoigne une grande variété de dénominations : certaines, qui renvoient à des propriétaires ("Bois de la Vecquée" à Malonne, "Bois de l'Evêque" à Erpent, "Bois de Néverlée" à la limite de Saint-Servais et de Rhisnes), à des essences (les innombrables "Fays" venant de fagus qui signifie "hêtre" en latin ; "Bois Spinettes" à Wépion), des caractéristiques topographiques ("Haut Bois" à Saint-Marc) ou des pratiques culturales ("Bois Brûlé" à Dave) sont transparentes ou ne posent guère de problèmes d'identification ; d'autres, qui sont souvent beaucoup plus anciennes, renvoient de manière insoupçonnée à la notion même de forêt.

Ce sont quelques-uns de ces toponymes "opaques" que je voudrais évoquer très brièvement ici.

Aux confins de Champion et de Marchovelette (Fernelmont) s'étend ainsi une forêt qui, sur Champion, s'appelle aujourd'hui "Grand Bois de Grande Salle" et, sur Marchovelette, "Petit Bois de Grande Salle" ce qui, a priori, n'a guère de sens. Comme souvent, nos bonnes vieilles archives vont nous offrir la solution. Le 25 août 1281, les frères Arnould et Othon de Walhain, tous deux chevaliers, faisaient savoir qu'ils avaient vendu à Guy de Dampierre, comte de Namur, 200 bonniers (c'est-à-dire à peu près 200 hectares) du bois de "Grand Selve", près de Champion. Orthographié de cette manière, le toponyme devient limpide et l'on n'a aucune peine à y reconnaître le mot silva qui, en latin, est le terme générique pour désigner une étendue boisée, de préférence sauvage. Il s'agit donc du "Grand Bois de la Grande Forêt", formulation répétitive, ou tautologique comme l'on dit pour faire savant, que nous retrouverons ailleurs.

Mais le latin connaît d'autres mots pour désigner la forêt : ainsi lucus, qui est le bois sacré par excellence, celui où l'on célèbre le culte des nombreuses divinités subalternes, bienveillantes ou tracassières, dont les Romains peuplaient la forêt, Nymphes et Faunes, Dryades et Hamadryades, Pan et Silvain, voire de toutes les divinités de l'Olympe, certaines prestigieuses, comme Diane. Le toponyme "Bois-du-Luc", qui n'a rien à voir avec un improbable propriétaire ainsi prénommé, en procède vraisemblablement, comme sans doute le "Luc-aux-Faux" à Flavion. Dans cet ordre d'idées, je remarque qu'il y a, sur le territoire d'Andoy, un "Bois de Jeumont". Se pourrait-il que ce lieu-dit ait la même origine que celui de la localité française homonyme proche de Maubeuge, où certains ont voulu voir un Jovis mons, c'est-à-dire un mont de Jupiter ? Je laisse les spécialistes en débattre.

Il y a aussi nemus, terme qui, pour certains, serait apparenté au vieil irlandais nemed signifiant "sanctuaire" et revêtirait donc aussi une certaine connotation religieuse. Nemus serait à l'origine de tous les Nimes, Nîmes ou Nismes qui parsèment aujourd'hui les régions francophones. Je n'en connais pas d'occurrence sur le territoire de l'actuelle commune de Namur, mais sur les hauteurs de Lustin (Profondeville), il existe un "bois de Nîmes" où l'on a trouvé, au 19ème siècle, un lot de petites meules gallo-romaines. Il y a aussi, dans le sud de notre province, le village de Nismes (Viroinval) où les antiquités romaines sont légion.

Le moyen âge est venu étendre sur tout cela une nouvelle couche de noms dont le véritable sens est parfois perdu. Ainsi, tout bêtement, pourrait-on dire, « forêt ». Eh oui, « forêt » dont le sens nous paraît aller de soi, que Littré définit comme un "vaste terrain planté de bois" et que je viens d'utiliser à de nombreuses reprises. Au moyen âge, époque à laquelle le terme est apparu, il avait une acception beaucoup plus précise, chargée de connotations juridiques, et désignait la portion boisée du domaine seigneurial. On le retrouve sur les hauteurs de Beez, ainsi qu'entre Malonne et Floreffe  où un bois dit de Forest est l'objet d'un litige entre les deux abbayes, réglé par une sentence du comte Jean Ier le 3 novembre 1327.

On pourrait ainsi continuer longtemps et répertorier les toponymes liés à la chasse (les "breuils" et les "garennes", par exemple) ou à ce qui fut la longue et pénible entreprise du moyen âge, le défrichement de terres qui nous a laissé tous les "sarts" ("Géronsart" sur les hauteurs de Jambes, le "Long Sart" à Boninne, "Bransart" à Malonne, etc.). Fructueux terrain de chasse que la forêt, donc, pour les toponymistes aussi.

Jean-Louis Antoine

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