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La Semois à Cordemois - Albert RATY

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Albert Raty - La Semois à Cordemois
Huile sur toile marouflée sur bois

Voici une robuste composition où les bruns dominent, essentiellement dans la partie droite de l'œuvre, en commençant par des frondaisons à l'avant-plan, dans le coin inférieur. Suit au deuxième plan, à gauche, la tache jaune d'un champ de blé puis, à droite, l'autre rive et le versant d'une colline, couleur rouille avec un peu de vert et quelques traits foncés pour situer des troncs d'arbres.

Au centre de la composition, la Semois traverse ces plans successifs dans des tons verts bleutés pour arriver au quatrième, plus étendu, où le vert foncé des sapins côtoie celui plus léger des feuillus, au pied d'une colline brun foncé mêlé de noir, dans la partie gauche. Par delà, dans la partie droite, une autre colline plus claire précède un arrière-plan dans les tons verts, ces derniers se retrouvant légèrement dans les couleurs d'un ciel (un peu) nuageux. Sans que cela soit systématique dans les paysages d'Albert Raty, aucun personnage n'est ici présent. Seuls trois piquets de clôture bordant le champ évoquent le passage de l'humain, son intervention.

Les plans sont traités largement et sans fioritures, sans détails, en volumes mais de façon convaincante, grâce notamment à une touche généreuse et vigoureuse, entre aplats et fragmentation, qui parvient aussi à rendre des effets de lumière.
Deuxième d'une famille de huit enfants, Albert Raty est sourd de naissance. Il n'a pas cinq ans lorsque sa mère le confie à l'Institut royal pour sourds-muets et aveugles de Woluwé-Saint-Lambert. Il y est merveilleusement suivi et l'on y décèle ses aptitudes particulières pour le dessin, que l'on ne manquera pas d'entretenir. Il suit ainsi une formation en peinture, dessin et photographie. De plus Charles Burnet, son grand-père maternel, ancien élève de l'Académie d'Anvers, a gardé la peinture comme passe-temps favori. Il saura accompagner les premiers pas de son petit-fils.

En juin 1906, sa formation terminée, Albert Raty est de retour à Bouillon. Il n'y restera que peu de temps puisqu'en octobre il part vers Bruxelles pour y entrer, suite à un heureux concours de circonstances, dans l'atelier d'Ernest-Stanislas Blanc-Garin (1843 – 1916), qui avait séjourné à Bouillon durant l'été. Peintre de scènes de genre et d'histoire, de portraits, de vues de villes et de paysages, il a notamment eu pour élève Henri Evenepoel (1872-1899), un artiste majeur du post - impressionnisme en Belgique.

Blanc-Garin transmet à Raty la tradition héritée de ses maîtres, parmi lesquels Jean Portaels (1818 – 1895), personnalité marquante de son époque et, surtout, professeur reconnu. Blanc-Garin saluait les nouveaux courants de l'époque, mais sans les suivre. Albert Raty restera chez lui jusqu'en 1912. Il part ensuite pour l'Académie de la Grande Chaumière, dans le quartier Montparnasse à Paris, où la vie artistique était intense. Toujours en activité aujourd'hui, l'Académie de la Grande Chaumière fut, dès sa fondation en 1902, un foyer important de l'art indépendant. Albert Raty y suit les conseils de Lucien Simon (1861 – 1945), qui accordait une grande importance à la composition. Sa réputation était bien établie. Bien que Parisien, il a beaucoup illustré des scènes populaires de province, et particulièrement de Bretagne. Durant la guerre, à l'exception de deux frères mobilisés, la famille Raty est exilée à Troyes (Champagne), où Albert gardera de profondes amitiés. Il continue sa formation chez Simon jusqu'en 1917 et se lie avec les peintres bretonnisants, héritiers de l'école de Pont-Aven, qu'il suivra en Bretagne. Son art mûrit, il voyage beaucoup.

En 1922, il s'établit à Vresse/Semois. Plus tard viennent la guerre et l'exode jusqu'à Pont-Aven au retour duquel, fin juillet 1940, il retrouve Bouillon presque complètement détruite, la maison familiale partie en fumée avec nombre de ses œuvres mais, pire encore, il apprend la mort de sa mère, dont il était très proche. Il trouvera le réconfort près de Louise Brasseur, une voisine, qu'il épousera l'année suivante, tout en s'établissant définitivement à Vresse, où ils font construire. Albert Raty n'est cependant pas rivé à son Ardenne. Toute sa vie il voyagera, souvent à Paris, en Provence, mais surtout en Bretagne, sa seconde patrie, particulièrement Pont-Aven et Quiberon, où il a un atelier.

Albert Raty assimilait son art à une œuvre poétique, le mystère de la création picturale étant pour lui pareil à celui de la création poétique. L'amour de la poésie lui avait été insufflé par sa mère qui lisait notamment Vigny, Hugo, Baudelaire, Verhaeren et Van Lerberghe.
Comme a écrit Paul Caso, « l'Ardenne a donné à l'art de notre pays trois noms majeurs : Marie Howet (1897 – 1984), Albert Raty « ... » et Camille Barthélemy (1890 – 1961) » (cfr bibliographie, p.211). Ce dernier était à Chiny, Marie Howet à Libramont et, comme nous le savons, Albert Raty à Vresse. Il y a une parenté, un cousinage certain entre ces trois œuvres. Celle de Raty, très féconde et reconnue, regroupe plus de 1.400 pièces, dont de nombreux paysages et portraits, mais aussi de belles scènes de genre.

Thierry Oger
(photo : Jacques Leurquin)


Sources disponibles à la Bibliothèque communale, venelle des Capucins :

BENEZIT, E. : « Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays... », Paris, Gründ, 1999 (nouvelle édition)
CASO, Paul : « Un siècle de peinture wallonne, de Félicien Rops à Paul Delvaux », Bruxelles, Rossel Edition, 1984
« La revue générale », n°6-7, année 2000, qui comprend les articles « Mon pays Ardenne », par France BASTIA, « Albert Raty ou la force des lieux », par Philippe JONES et « Albert Raty », par Suzanne RATY
« Arts plastiques dans la Province de Namur. 1945-1990 », Bruxelles, Crédit communal, 1991
« Le dictionnaire des peintres belges, du XIVème siècle à nos jours », Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995

Autres sources :

« Petit Larousse de la Peinture » (2 t.), Paris, Larousse, 1979

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