Mars 2023
Prix Blondeau
Depuis 1873 et selon le souhait de son donateur, la Ville de Namur attribue chaque année le Prix Blondeau, destiné à récompenser des actes de courage, de dévouement et de grand civisme ou de probité exemplaire.
Née en août 1937 à Saint-Servais de parents enseignants, elle suivra ses humanités au Lycée Royal de Namur et étudiera le droit et la criminologie à l’Université de Liège. Après avoir obtenu son doctorat, elle devient avocate au Barreau de Namur avant de devenir magistrate en 1974. Dans la foulée, elle s’installe à Yvoir en 1975 avec son mari et ses sept enfants.
Même si son parcours « n’a rien d’exceptionnel » selon elle, il est tout de même impressionnant : première femme au poste de magistrate du siège aux tribunaux de première instance de Dinant et Namur dans les années 70-80, vice-présidente du tribunal de Namur, magistrate assesseur du Conseil de l’Ordre des médecins et vétérinaires, présidente de la commission électorale du recteur de l’UNamur, présidente du Festival Musical de Namur depuis cinq ans.
Depuis toujours, elle s’est impliquée dans de multiples œuvres : associations de jeunesse, de culture, d’action sociale, d’aide aux personnes polyhandicapées… Elle a aussi fait partie des membres fondateurs de la première maison d’accueil pour mères en difficulté Mères et Enfants et de la Fédération Chorale À Cœur Joie.
Quand on la questionne sur cette distinction, c'est en toute humilité qu’elle répond : « Qu’ai-je fait sinon essayer de m’occuper au mieux de ma famille, de mes enfants, de servir au mieux ma profession et de rendre des services à celles et ceux qui en ont besoin. Des personnes comme ça, tu en trouveras des centaines. »
Autant d’altruisme et de charisme dans une même personne, la rencontre ne pouvait être qu’inspirante.
Madame la magistrate, la parole est à vous !
Namur, ça vous évoque quoi ?
« Mon enfance, ma jeunesse, les mouvements de jeunesse, les chorales, mes parents qui ont bâti leur maison à La Plante… Depuis lors, je n’ai plus quitté la Meuse. »
De manière générale, qu’est-ce qui a guidé vos choix ?
« Je suis de l’époque de Gilbert Cesbron (ndlr : écrivain français) et de Chiens perdus sans collier (roman de 1954 qui évoque le sort d'enfants issus de milieux sociaux défavorises, qui sont aidés par les juges des enfants et le personnel dévoué des maisons d’accueil). (…)
Dès mes débuts, mon regard était tourné vers le Juge des enfants, Juge de la Jeunesse aujourd’hui. Après mes études, je suis devenue avocate. Durant mes trois ans de stage, j’ai été commise (avocat pro deo) au Bureau d'Aide Juridique (BAJ). On était deux stagiaires femmes parmi 70 avocats ! Comme tous les garçons partaient faire leur service militaire, on a dû tout gérer à deux. J’étais la 1e avocate au BAJ qui plaidait enceinte…
Rapidement, je me suis intéressée à la protection des femmes et des enfants. J’ai eu beaucoup de clientes en difficulté parentale et conjugale. (…)
Je suis devenue magistrate car le cadre qu’offre la magistrature me permettait de combiner plus facilement vie professionnelle et personnelle : gérer mon métier tout en assurant mon rôle de mère. J’ai commencé comme juge de la Jeunesse à Dinant.
En 1974, on est venu me chercher pour être vice-présidente du tribunal de Namur. J’ai hésité mais un greffier m’a dit un jour : Madame la Juge, quand le train arrive et qu’on est sur le quai, il ne faut pas hésiter car, quand le train est parti, on ne sait pas quand le suivant arrivera. Voilà pourquoi j’ai accepté ce rôle et celui de présidente de la chambre correctionnelle.»
Le Prix Blondeau, pour vous, c’est ?
« C’est une reconnaissance de la Ville de Namur, une ville que j’aime et dans laquelle j’ai mes racines. Ce prix, c’est une sorte de déclaration d’amour réciproque. Notez que je l’attribue autant à moi qu’à mon défunt mari, Namurois également. »
Finalement, cette récompense est sympathique car si on peut faire en sorte que l’envie, le courage et la persévérance des uns et des autres soient encouragés, tant mieux ! »
► Retrouvez l'intégralité de l'interview de Suzanne Boonen-Moreau dans votre Namur Magazine d'avril 2023.